Plusieurs tornades plus ou moins puissantes ont frappé la France ces dernières semaines. Quelques exemples pour les avoir en mémoire : Nice, La Cassagne, ou encore Saint-Alyre-d’Arlanc plus près de chez moi. Et il y en a eu d’autres !
Les médias ont pratiquement systématiquement classifié ce genre de phénomènes venteux tourbillonnaires de « mini-tornades ». Or ce terme n’existe pas, scientifiquement parlant. Soit c’est une tornade, soit ça ne l’est pas. Il peut s’agir d’une forte rafale de vent, sans tourbillon, très localisée, qui cause des dégâts sur son passage. Il peut aussi s’agir de tornades. On a l’habitude d’en voir aux Etats-Unis, comme dans le film Twister, mais pas en France. Et pourtant !
Les tornades sont classés selon l’échelle de Fujita. Cette échelle se base sur les dégâts causés par la tornade, pour en évaluer la puissance. Et à partir des dégâts peut être déduite la vitesse du vent. La notion de surface touchée au sol n’a aucune importance dans le classement d’une tornade. Pas besoin d’avoir des dégâts sur plusieurs kilomètres. Quelques dizaines de mètres suffisent amplement.
Comme je le suppose dans d’autres domaines, une frange des journalistes abuse d’un terme qui n’a aucune valeur scientifique. Et cet abus de sémantique a fait couler beaucoup d’encre, ou plutôt a usé beaucoup de claviers, dans le petit monde virtuel de la météorologie. Ce microcosme est régulièrement en ébullition pendant plusieurs jours, s’insurgeant contre le choix inapproprié d’un terme, au nom d’une rigueur scientifique que beaucoup galvaudent trop souvent par ailleurs.
Et pourtant, ils ont raison. Le terme de « mini-tornade » n’est pas approprié, nous venons de le voir. Ma formation scientifique, cartésienne, ressurgit. Finalement, mes années passées sur ma chaise d’étudiant se révèlent être un atout également en dehors du monde du travail. Ce n’est pas une mini-tornade, mais bel-et-bien une tornade. De courte durée, certes, mais une tornade. Dont l’amplitude est à déterminer selon les dégâts produits.
Mais un tel lever de boucliers chez les passionnés est-il justifié ?
Il me semble que la langue française vit, depuis déjà plusieurs centaines d’années, et évolue avec le temps. Alors, même en se plaçant en défenseur de la science, en défenseur de l’Académie française, il faut parfois admettre qu’un terme non adapté peut vouloir dire beaucoup de choses. Sans doute plus dans l’imaginaire collectif qu’une tornade F0 ! Certes les journalistes devraient avoir un rôle exemplaire, et informer avec exactitude. Mais une langue vivante n’est-elle pas également faite pour vivre ? Chaque année, de nouveaux mots font leur apparition dans le dictionnaire. Pourquoi pas mini-tornade ? C’est aussi son usage qui fait une langue. N’y voyez aucun fatalisme, mais plutôt une forme de réalisme quand à l’évolution. L’Homme fait évoluer son environnement, et sa langue également. Rien n’est figé.
Un tel écart de sémantique justifie-t-il les foudres des amateurs de phénomènes météorologiques, du moins au plus chevronné ? Est-ce une occasion d’exister ? Un manque de reconnaissance ? Je ne sais pas, mais je doute qu’il s’agisse uniquement d’une volonté farouche d’informer. Les raisons sont sans doute diverse suivant les personnes, et je me garderai bien de faire un amalgame. Je connais de fervents défenseurs avec la volonté d’informer et d’expliquer, calés techniquement et sémantiquement. Je connais également d’autres personnes à l’exact opposé de ce profil. Chacun se reconnaitra s’il le souhaite, ou considérera que je suis dans l’hérésie, ou…
Ne dit-on pas que la pédagogie est l’art de la répétition ? Je le crois. Tout comme je crois que l’on peut éduquer quelqu’un qui ne le souhaite pas. C’est sans doute là l’une des clés du problème.
Dans ces conditions, je passe mon tour pour critiquer cet abus de langage. Pire ou mieux, c’est selon, je suis même près à utiliser le terme de mini-tornade. Non sans informer également sur l’échelle de Fujita.
Liront et apprendront ceux qui le souhaitent. Ne liront pas ou critiqueront ceux qui ne souhaitent pas apprendre. Tant pis pour eux, pas pour moi.